Le Major Jordan fut responsable du programme Lend Lease (ou Prêt Bail), un programme destiné à armer l'URSS entre 1941 et 1945 afin de lutter contre l'Allemagne. D'abord basé à Newark, puis transféré à Great Falls dans le Montana, le Major Jordan supervisa le 'pipeline,' soit la noria aérienne qui alimenta l'URSS depuis les USA en passant par la Sibérie. Très vite, cependant, il se rendit compte que le Lend Lease était utilisé pour bien d'autres choses que de l'armement pur et simple, et ceci avec la bénédiction du chef du programme et alors deuxième homme le plus puissant des Etats-Unis: Harry Hopkins.
Le livre commence bien : dans le premier chapitre, le Major Jordan explique comment son homologue russe, le Colonel Kotikov, fit fermer l'aéroport de Newark à l'aviation civile après qu'un pilote eut légèrement endommagé un avion fraîchement donné à l'URSS (et payé par les contribuables américains) par le Lend Lease!
De l'uranium aux pianos, et des patentes axu secrets militaires en passant par la vodka (oui, même la vodka), rien n'était hors de portée des russes. Cet ouvrage est le précurseur du point de vue gouvernemental des travaux de Sutton de 1917 à 1965 sur les entreprises privées.
p. 6 « Nous sommes déterminés à ce que rien ne nous empêche de partager avec vous tout ce que nous avons… »
Harry Hopkins, au rassemblement pour l’aide russe,
Madison Square Garden, Juin 1942
p. 30 Le Colonel Gardner arrangea mon transfert de Newark à Gret Falls [Montana]. Mes ordres me désignaient comme “Représentant des Nations Unies.” Peu de gens réalisent que bien que l’ONU n’ait pas été établie à San Francisco avant septembre 1945, le nom “Nations Unies” était utilisé par l’organisation du Lend Lease dès 1942, comme dans mes ordres originaux à Newark.
p. 32 Le président a décrété que « les avions soient livrés en accord avec les programmes prévus par le protocole de la manière la plus expéditive. » Afin de mettre en œuvre ces directives, la modification, l’équipement et le mouvement des avions russes ont reçu la première priorité, devant même les avions de l’US Air Force…
p. 66 Et pourtant les Russes avec qui je travaillais côte à côte à Great Falls connaissaient la bombe A au moins dès mars 1943, et le Général Groves avait raison de ne pas faire confiance aux Russes en octobre 1942 ! Comme l’Américain moyen, j’ai eu la connaissance de la bombe atomique pour la première fois après l’annonce d’Hiroshima, le 6 août 1945 par le président Truman.
p. 75 Ce n’est qu’à la fin de 1949 qu’il a été prouvé définitivement, par des archives irréprochables, que durant la guerre des agences fédérales livrèrent à la Russie au moins trois envois de produits chimiques d’uranium, pour un total de 664,5 kg. Une livraison d’un kilo d’uranium métal, à un moment où le stock total américain était de 2 kg, a également été confirmée.
p. 77 à 79 Après une recherche approfondie, les factures de cargo et d’avions apportèrent la preuve incontestable que 15 boîtes de produits chimiques d’uranium furent livrées à Great Falls le 9 juin 1943, et furent expédiées en suivant par un avion du Lend Lease à l’Union Soviétique.
[…] L’histoire dans l’histoire est comme suit : le 1er février 1943 Hermann H. Rosenberg de Chematar Inc. New York, reçut la première requête pour de l’uranium à jamais atteindre son bureau. Le demandant était la Commission Soviétique d’Achat qui souhaitait 100 kg d’oxyde d’uranium, 100 kg de nitrate d’uranium, et 11 kg d’uranium métal. A cette date-là Oak Ridge [usine créée dans le cadre du Projet Manhattan et spécialisée dans le nucléaire] était en construction, mais n’allait pas entrer en service avant un an.
[…] L’uranium métal n’était pas disponible. Le 23 mars, à la demande de Rosenberg, la S. W. Shuttuck Chemical Co. de Denver envoya quatre caisses, d’un poids total de 313,4 kg, au Colonel Kotikov à Great Falls. La lettre de connaissement des chemins de fer de Burlington décrivit le contenu comme étant simplement des « produits chimiques, » mais elle était accompagnée d’une lettre de Rosenberg à Kotikov désignant le contenu comme étant 100 kg de nitrate d’uranium et 90 (pas 100) kg d’oxyde d’uranium. Comme c’était une transaction Lend Lease, payée par des fonds américains, aucune licence d’exportation n’était nécessaire.
p. 82 Il déclara qu’il était impossible aux Russes de mettre la main sur des produits d’uranium dans ce pays « sans le soutien des autorités US d’une manière ou d’une autre. »
p. 87 Les archives prouvent que le 23 août 1943, Hermann Rosenberg de Chematar reçut une demande de la Commission Soviétique d’Achat d’1 kg d’oxyde de deutérium [eau lourde]. L’objectif déclaré était « pour la recherche. »
Le fournisseur trouvé fut Stuart Oxygen Co. de San Francisco, qui envoya la marchandise le 30 octobre, par train express, au bureau de Chematar à New York. Rosenberg fit suivre l’envoi à la Commission d’Achat à Washington, qui l’expédia le 29 novembre par la voie du Pipeline [le Lend Lease] à Rasnoimport, URSS, Moscou U-1, Ruybshova-22.
…L’exportation d’eau lourde à l’URSS fut approuvée par un certificat de libération, n° 366, daté du 15 novembre, portant la signature de William C. Moore, Division des Fournitures Soviétiques, Bureau de l’Administration du Lend Lease.
p. 91 J’appris pour la première fois qu’une pile au plutonium consiste en d’immenses blocs de graphite, entourés par d’épais murs de béton, et une structure en nid d’abeilles de tubes en aluminium. Il était rapporté que dans ces tubes sont insérées des cartouches d’uranium naturel, contenant 1% d’U-235. L’intensité de l’opération était régulée au moyen de tiges en cadmium.
Graphite, cadmium, tubes en aluminium – où avais-je déjà vu ces mots ? Dans les chiffres du Lend Lease russe que j’avais ajoutés au Journal de Jordan. En revenant sur ces pages, je découvris que sur la période de quatre ans de 1942 à 1945, nous avons fourni à l’Union Soviétique 3.692 tonnes de graphite naturel, 417 tonnes de cadmium métal ainsi que des tubes désignés comme « tubes en aluminium » pour 6.883 tonnes.
p. 92 Mais le thorium, qui est relativement abondant, devrait, selon les physiciens, rivaliser avec l’uranium un jour, voire même le remplacer en tant que source d’énergie atomique.
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