L’une des inquiétudes récurrentes concernant les crises économiques, financières, et sociales apparemment interminables en Europe, est que ces dernières sont largement la conséquence d’actes prédéterminés, « scénarisés, » et délibérés.
C’est quelque chose que l’ex-directeur de la Banque d’Angleterre admît le mois dernier lorsque Mervyn King a dit que la dépression économique européenne est le résultat de choix politiques « délibérés » faits par l’élite de l’UE. C’est également ce que le stratégiste de la banque AIG Bernard Connolly dit dès 2008 lorsqu’il écrivit « Ce que l’Europe Veut »
Se servir des problèmes globaux comme excuses pour étendre ses pouvoirs :
- Problèmes environnementaux: accroître le contrôle sur les pays membres ; avancer l’idée d’une gouvernance globale
- Terrorisme: se servir de cette excuse afin d’établir un contrôle plus élargi sur les problèmes policiers et juridiques
- Crise financière globale: faire d’une pierre (régulation à l’échelle de l’Europe entière ; tentatives d’établissement d’une gouvernance globale) deux coups (marché libre ; économies anglo-saxonnes)
- UEM: fabriquer une crise pour forcer l’introduction d’un « gouvernement économique européen »
Ce matin on a eu droit à une nouvelle confirmation de comment des organisations supranationales « planifient » des crises européennes à l’avance afin de réaliser leurs objectifs, lorsque Wikileaks a publié la transcription d’une téléconférence qui a eu lieu le 19 mars 2016 entre les deux officiels les plus hauts placés du FMI en charge de la gestion de la crise de la dette grecque – Poul Thomsen, chef du Département Europe du FMI, et Delia Velkouleskou, chef de mission du FMI pour la Grèce.
Dans le document, on surprend les employés du FMI planifier d’avouer à l’Allemagne que l’organisation abandonnerait la troïka si le FMI et la commission échouaient à trouver un accord sur l’allègement de la dette grecque.
Plus pertinent encore, les officiels du FMI disent que la menace d’une catastrophe financière imminente comme l’écrit le Guardian, est nécessaire pour forcer les autres joueurs à accepter ses mesures telles que tailler dans les retraites et les conditions de travail grecques, ou comme le dit Bloomberg, « envisager un plan pour causer un défaut de paiement en Grèce et déstabiliser l’Europe. »
D’après la conversation fuitée par Wikileaks, le FMI – qui essaie de pousser vers une restructuration de la dette grecque depuis le 3ème renflouement d’août dernier – croit qu’un défaut de paiement [credit event] est le seul moyen de déclencher un accord sur la Grèce ; il est suggéré que ce « défait » aurait lieu autour du 23 juin, lors du référendum sur le Brexit.
Comme le note Bloomberg, la fuite montre les officiels liant le problème grec avec le référendum du Royaume Uni et risquant la déstabilisation politique générale de l’Europe.
La transcription fuitée révèle comme le FMI projette d’utiliser la Grèce comme un pion dans ses négociations en cours avec la chancelière allemande dans le but d’atteindre la réduction désirée de la dette grecque à laquelle l’Allemagne a jusqu’ici été résolument opposée : dans la fuite on découvre l’intention du FMI de menacer Angela Merkel de la forcer à accepter les exigences du FMI à un point critique.
Extraits :
THOMSEN : Eh bien, je ne sais pas. Mais c’est… J’y pense différemment. Qu’est-ce qui va faire qu’on en arrive à une jonction décisionnelle ? Par le passé il n’y a eu qu’une seule fois quand la décision a été prise et ce fut quand ils étaient sur le point de se retrouver sérieusement à court d’argent et de faire défaut. Exact ?
VELKOULESKOU : Exact.
THOMSEN : Et c’est possiblement ce qui va arriver à nouveau. Dans ce cas-là, cela traîne jusqu’en juillet, et clairement les Européens ne vont pas discuter pendant le mois précédant le Brexit alors, à un moment ils voudront faire une pause et ils voudront relancer les discussions après le référendum européen.
VELKOULESKOU : C’est juste.
THOMSEN : C’est une possibilité. Une autre possibilité qui, je pensais, aurait déjà dû se produire et je suis étonné que ce ne soit pas le cas, est que, étant donné la situation avec les réfugiés, ils prennent une décision… qu’ils veulent conclure la situation. Ok ? Et les Allemands soulèvent le problème de la gestion… et en gros à ce moment on dit « Voyez-vous, Mme Merkel, vous êtes face à une question, vous devez penser à ce qui est le plus coûteux : continuer sans le FMI – le Bundestag dirait-il ‘Le FMI ne nous suit pas’ ? – ou bien accepter la réduction de la dette que nous pensons nécessaire à la Grèce pour que nous restions dans les négociations ? » Ok ? C’est cela véritablement le problème.
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VELKOULESKOU : Je suis d’accord avec le fait que nous ayons besoin d’un défaut [event], mais je ne sais pas quelle forme il prendra. Mais je crois que Dijsselbloem essaie de faire en sorte que ça n’ait pas lieu, mais plutôt de lancer une discussion sur la dette d’une manière ou d’une autre, et cela consiste essentiellement à savoir si oui ou non nous [le FMI] seront impliqués.
THOMSEN : Ouaih, mais tu sais, cette discussion sur les mesures et la discussion sur la dette peuvent durer éternellement, jusqu’à ce qu’un grand ponte… jusqu’à ce qu’arrive le paiement de juillet ou jusqu’à ce que les dirigeants décident que nous devions trouver un accord. Mais il n’y a autrement rien là-dedans qui va forcer un compromis. Exact ? Ça va continuer indéfiniment.
Le document montre également le FMI continuant à tirer les ficelles du gouvernement grec qui a jusqu’à présent refuser de faire des compromis sur quelques réformes majeurs que ce soit, comme cela a été le cas lors du premier renflouement.
Comme le note le Guardian, le ministre grec des finances Euclid Tsakalotos a accusé le FMI d’imposer des mesures draconiennes, y compris sur la réforme des retraites. La transcription cite Velkouleskou disant : « Ce qui est intéressant en revanche c’est que [la Grèce] a cédé… ils ont cédé un peu à la fois sur la réforme de l’impôt sur les revenus et sur… à la fois sur les crédits d’impôts et sur les retraites supplémentaires. » La position de Thomsen était que les Grecs « sont encore à des lieues de se mettre dans la tête d’accepter nos positions. » Velkouleskou expliqua que « si [le gouvernement grec] subit suffisamment de pressions, ils y arriveraient… Mais ils n’ont aucune incitation à le faire et ils savent que la commission est prête à faire des compromis, c’est ça le problème. »
Ci-dessous se trouve le résumé par Paul Mason de ce qui se profile être le prochain scandale politique.
Le FMI a été pris la main dans le sac en train de conspirer pour mettre en scène un « défaut de paiement » [credit event] qui forcerait la Grèce au bord de la faillite, se servant du prétexte du référendum sur le Brexit.
Non, ceci n’est pas l’intrigue du prochain James Bond. C’est la transcription d’une téléconférence entre le négociateur en chef du FMI, Poul Thomsen, et Delia Velculescu, chef de la mission du FMI en Grèce.
Publiée par Wikileaks, cet échange a eu lieu à Athènes juste avant que le FMI ne quitte les négociations destinées à donner le feu vert à la Grèce pour l’étape suivante de son renflouement.
La situation est comme suit : le FMI ne croit pas aux nombres utilisés à la fois par la Grèce et par l’Europe pour lancer la prochaine étape de l’accord. Il ne veut pas prendre part au renflouement. Pendant ce temps l’UE ne peut pas donner suite à l’accord sans le FMI parce que le parlement allemand ne l’autorisera pas.
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Laissez-moi déchiffrer. Un « défaut » est une crise financière amenant la Grèce au bord de la faillite. L’année dernière, quand les banques ont fermé, des millions de gens se sont retrouvés face à une catastrophe économique et psychologique.
Seulement cette fois le FMI veut infliger cette catastrophe sur un pays abritant des dizaines de milliers de réfugiés et chargé d’une des missions de gestion des frontières les plus complexes et les plus légalement floues de l’histoire contemporaine.
Le gouvernement grec est furieux : « nous n’allons pas laisser le FMI jouer avec le feu, » une source m’a-t-elle déclaré.
Mais le problème n’est pas entre les mains de la Grèce. Au final, comme le suggère Thomsen dans le document, seuls la Commission Européenne et surtout le gouvernement allemand peuvent-ils décider d’honorer les conditions de l’accord signé pour renflouer la Grèce en juillet dernier.
La transcription de l’échange, bien que reçue avec fureur et incrédulité en Grèce, fera l’effet d’une bombe sur la Commission et la BCE. Ce sont elles qui détiennent plus de 300 mds d’€ de dette grecque. C’est l’Europe tout entière, en d’autres termes, que le FMI conspire pour la soumettre à la doctrine du choc.
On comprend bien que les Grecs soient en colère et un peu perdus ; comme l’a rapporté Bloomberg plus tôt, « la Grèce veut savoir si le rapport de Wikileaks concernant la participation du FMI dans un défaut grec au moment du référendum du Royaume Uni sur son appartenance à l’UE, le 23 juin, est la position officielle du Fonds » a déclaré la porte-parole du gouvernement Olga Gerovasili samedi dans un e-mail. De son côté un porte-parole du FMI a écrit dans un e-mail samedi qu’il ne « commentait pas les fuites ou rapports supposés de discussions internes. »
Deux observations connexes :
- Un Snowden « fuiteur » vient-il d’émerger au sein du FMI ; si oui peut-on s’attendre à d’autres révélations dans les semaines à venir ; ou peut-être la raison de la fuite est-elle moins nuancée : un hôtel plein de mouchards ?
Acc to #IMF leak, conf call was held March 19, when Velculescu was still in Athens, Hilton Hotel. Makes you wonder if Hilton is bugged. [On se demande si le Hilton était sous écoute.]
- Il est possible que l’été qui arrive soit à nouveau plein de turbulences pour l’Europe.
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