Après Rerum Novarum [Léon XIII,
1891], et Quadragesimo
Anno [Pie XI, 1931],
le Vatican a confirmé ses enseignements sur l'économie avec les encycliques Mater
et Magistra [Jean XXIII, 1961], et plus spécifiquement sur le travail
humain avec Laborem Exercens
[Jean-Paul II, 1981].
Quant aux théories économiques, Friedrich List, économiste allemand, a défendu le "protectionnisme éducateur", arguant que les industries naissantes d'une nation en développement ne pouvaient lutter avec celles de pays déjà développés. Son oeuvre principale est Système nationald'économie politique.
"Avant 1914, Friedrich List était l'un des deux économistes allemands les plus réputés, avec Karl Marx [à se demander comment on a pu l'oublier à ce point...]. Ce dernier écrira, en 1845, une analyse critique du Système national d'économie politique. List influencera profondément les œuvres de Henry Charles Carey et Eugen Dühring. Le Système national d'économie politique fut également le livre de chevet du chancelier Bismarck. Et d'après Jules Domergue, tout le système économique et politique du chancelier tient dans ce livre. List était l'un des économistes les plus considérés dans l'Allemagne des années 1930, et faisait l'objet d'une véritable « List-Renaissance. » De même, le Japon a trouvé dans List son inspirateur.
Sa méthode, l'emploi systématique de l'histoire comme instrument de démonstration, en fait un précurseur de l'« école historique » en matière d'économie politique."
Mater et Magistra
[…] Aussi bien,
Nous estimons être de Notre devoir d'affirmer une fois de plus que la
rétribution du travail ne peut être ni entièrement abandonnée aux lois du
marché ni fixée arbitrairement : elle est déterminée en justice et équité. Cela
exige que soit accordée aux travailleurs une rémunération qui leur permette,
avec un niveau de vie vraiment humain, de faire face avec dignité à leurs responsabilités
familiales. Cela demande en outre que, pour déterminer les rétributions, on considère
leur apport effectif à la production, les situations économiques des
entreprises, les exigences du bien commun de la nation. On prendra en spéciale considération
les répercussions sur l'emploi global du travail dans l'ensemble du pays, et
aussi les exigences du bien commun universel, intéressant les communautés
internationales, diverses en nature et en étendue. […]
Laborem Exercens
C'est par le travail que l'homme doit se procurer le pain quotidien 1 et contribuer au progrès
continuel des sciences et de la technique, et surtout à l'élévation constante,
culturelle et morale, de la société dans laquelle il vit en communauté avec ses
frères. […]
5.
… l'homme domine
bien plus la terre lorsqu'il commence à la cultiver, puis lorsqu'il transforme ses
produits pour les adapter à ses besoins. L'agriculture constitue ainsi un
secteur primaire de l'activité économique; elle est, grâce au travail de
l'homme, un facteur indispensable de la production. L'industrie à son tour
consistera toujours à combiner les richesses de la terre _ ressources brutes de
la nature, produite de l'agriculture, ressources minières ou chimiques _ et le travail
de l'homme, son travail physique comme son travail intellectuel. […]
6.
…le fondement
permettant de déterminer la valeur du travail humain n'est pas avant tout le
genre de travail que l'on accomplit mais le fait que celui qui l'exécute est
une personne. […]
Cela ne veut pas
dire que le travail humain ne puisse et ne doive en aucune façon être valorisé
et qualifié d'un point de vue objectif. Cela veut dire seulement que le premier
fondement de la valeur du travail est l'homme lui-même, son sujet. Ici vient
tout de suite une conclusion très importante de nature éthique: bien qu'il soit
vrai que l'homme est destiné et est appelé au travail, le travail est avant
tout «pour l'homme» et non l'homme «pour le travail». […]
…le but du
travail, de tout travail exécuté par l'homme _ fût-ce le plus humble service,
le travail le plus monotone selon l'échelle commune d'évaluation, voire le plus
marginalisant _ reste toujours l'homme lui-même. […]
7.
…le danger de
traiter le travail comme une «marchandise sui generis», ou comme une «force»
anonyme nécessaire à la production (on parle même de «force-travail»), existe
toujours, lorsque la manière d'aborder les problèmes économiques est caractérisée
par les principes de l'«économisme» matérialiste. […]
9.
…Le travail est
un bien de l'homme _ il est un bien de son humanité _ car, par le travail, non
seulement l'homme transforme la nature en l'adaptant à ses propres besoins, mais
encore il se réalise lui-même comme homme et même, en un certain sens, «il
devient plus homme». […]
10.
…Le travail est
le fondement sur lequel s'édifie la vie familiale, qui est un droit naturel et
une vocation pour l'homme. […]
12.
…on doit avant
tout rappeler un principe toujours enseigné par l'Eglise. C'est le principe de
la priorité du «travail» par rapport au «capital». Ce principe concerne
directement le processus même de la production dont le travail est toujours une
cause efficiente première, tandis que le «capital», comme ensemble des moyens
de production, demeure seulement un instrument ou la cause instrumentale. Ce
principe est une vérité évidente qui ressort de toute l'expérience historique
de l'homme. […]
13.
…Le système de
travail qui peut être juste, c'est-à-dire conforme à l'essence même du problème
ou, encore, intrinsèquement vrai et en même temps moralement légitime, est
celui qui, en ses fondements, dépasse l'antinomie entre travail et capital, en
cherchant à se structurer selon le principe énoncé plus haut de la priorité
substantielle et effective du travail, de l'aspect subjectif du travail humain
et de sa participation efficiente à tout le processus de production, et cela
quelle que soit la nature des prestations fournies par le travailleur.
L'antinomie entre
travail et capital ne trouve sa source ni dans la structure du processus de production
ni dans celle du processus économique en général. Ce processus révèle en effet
une compénétration réciproque entre le travail et ce que nous sommes habitués à
nommer le capital; il montre leur lien indissoluble. […]
La rupture de
cette vision cohérente, dans laquelle est strictement sauvegardé le principe du
primat de la personne sur les choses, s'est réalisée dans la pensée humaine,
parfois après une longue période de préparation dans la vie pratique. Elle
s'est opérée de telle sorte que le travail a été séparé du capital et opposé à
lui, de même que le capital a été opposé au travail, presque comme s'il
s'agissait de deux forces anonymes, de deux facteurs de production envisagés
tous les deux dans une même perspective «économiste». Dans cette façon de poser
le problème, il y avait l'erreur fondamentale que l'on peut appeler l'erreur de
l'«économisme» et qui consiste à considérer le travail humain exclusivement
sous le rapport de sa finalité économique. On peut et on doit appeler cette
erreur fondamentale de la pensée l'erreur du matérialisme en ce sens que l'«économisme»
comporte, directement ou indirectement, la conviction du primat et de la supériorité
de ce qui est matériel, tandis qu'il place, directement ou indirectement, ce
qui est spirituel et personnel (l'agir de l'homme, les valeurs morales et
similaires) dans une position subordonnée à la réalité matérielle. […]
14.
…Ce principe,
rappelé alors par l'Eglise et qu'elle enseigne toujours, diverge radicalement
d'avec le programme du collectivisme, proclamé par le marxisme et réalisé dans
divers pays du monde au cours des décennies qui ont suivi l'encyclique de Léon
XIII. Il diffère encore du programme du capitalisme, pratiqué par le
libéralisme et les systèmes politiques qui se réclament de lui. […]
Dans le présent
document, dont le thème principal est le travail humain, il convient de
confirmer tout l'effort par lequel l'enseignement de l'Eglise sur la propriété a
cherché et cherche toujours à assurer le primat du travail et, par là, la
subjectivité de l'homme dans la vie sociale et, spécialement, dans la structure
dynamique de tout le processus économique. De ce point de vue, demeure
inacceptable la position du capitalisme «rigide», qui défend le droit exclusif
de la propriété privée des moyens de production, comme un «dogme» intangible de
la vie économique. […]
15.
… l'homme qui
travaille désire non seulement recevoir la rémunération qui lui est due pour
son travail, mais aussi qu'on prenne en considération, dans le processus même
de production, la possibilité pour lui d'avoir conscience que, même s'il
travaille dans une propriété collective, il travaille en même temps «à son
compte». Cette conscience se trouve étouffée en lui dans un système de
centralisation bureaucratique excessive où le travailleur se perçoit davantage comme
l'engrenage d'un grand mécanisme dirigé d'en haut et _ à plus d'un titre _
comme un simple instrument de production que comme un véritable sujet du
travail, doué d'initiative propre. L'enseignement de l'Eglise a toujours
exprimé la conviction ferme et profonde que le travail humain ne concerne pas
seulement l'économie, mais implique aussi et avant tout des valeurs personnelles.
[…]
17.
… Par exemple,
les pays hautement industrialisés et plus encore les entreprises qui contrôlent
sur une grande échelle les moyens de production industrielle (ce qu'on appelle
les sociétés multinationales ou transnationales) imposent les prix les plus
élevés possible pour leurs produits et cherchent en même temps à fixer les prix
les plus bas possible pour les matières premières ou les produits semi-finis.
Cela, parmi d'autres causes, a pour résultat de créer une disproportion
toujours croissante entre les revenus nationaux des différents pays. La
distance entre la plupart des pays riches et les pays les plus pauvres ne
diminue pas et ne se nivelle pas mais augmente toujours davantage et,
naturellement, au détriment des seconds. Il est évident que cela ne peut pas
demeurer sans effet sur la politique locale du travail ni sur la situation du travailleur
dans les sociétés économiquement désavantagées. […]
19.
…L'expérience
confirme qu'il est nécessaire de s'employer en faveur de la revalorisation
sociale des fonctions maternelles, du labeur qui y est lié, et du besoin que
les enfants ont de soins, d'amour et d'affection pour être capables de devenir
des personnes responsables, moralement et religieusement adultes,
psychologiquement équilibrées. Ce sera l'honneur de la société d'assurer à la
mère _ sans faire obstacle à sa liberté, sans discrimination psychologique ou
pratique, sans qu'elle soit pénalisée par rapport aux autres femmes _ la
possibilité d'élever ses enfants et de se consacrer à leur éducation selon les différents
besoins de leur âge. Qu'elle soit contrainte à abandonner ces tâches pour
prendre un emploi rétribué hors de chez elle n'est pas juste du point de vue du
bien de la société et de la famille si cela contredit ou rend difficiles les
buts premiers de la mission maternelle 26. […]