Wednesday 28 June 2017

Au-delà du socialisme et du capitalisme III

Après Rerum Novarum [Léon XIII, 1891], et Quadragesimo Anno [Pie XI, 1931], le Vatican a confirmé ses enseignements sur l'économie avec les encycliques Mater et Magistra [Jean XXIII, 1961], et plus spécifiquement sur le travail humain avec Laborem Exercens [Jean-Paul II, 1981].

Quant aux théories économiques, Friedrich List, économiste allemand, a défendu le "protectionnisme éducateur", arguant que les industries naissantes d'une nation en développement ne pouvaient lutter avec celles de pays déjà développés. Son oeuvre principale est Système nationald'économie politique.

"Avant 1914, Friedrich List était l'un des deux économistes allemands les plus réputés, avec Karl Marx [à se demander comment on a pu l'oublier à ce point...]. Ce dernier écrira, en 1845, une analyse critique du Système national d'économie politique. List influencera profondément les œuvres de Henry Charles Carey et Eugen Dühring. Le Système national d'économie politique fut également le livre de chevet du chancelier Bismarck. Et d'après Jules Domergue, tout le système économique et politique du chancelier tient dans ce livre. List était l'un des économistes les plus considérés dans l'Allemagne des années 1930, et faisait l'objet d'une véritable « List-Renaissance. » De même, le Japon a trouvé dans List son inspirateur.

Sa méthode, l'emploi systématique de l'histoire comme instrument de démonstration, en fait un précurseur de l'« école historique » en matière d'économie politique."


Mater et Magistra

[…] Aussi bien, Nous estimons être de Notre devoir d'affirmer une fois de plus que la rétribution du travail ne peut être ni entièrement abandonnée aux lois du marché ni fixée arbitrairement : elle est déterminée en justice et équité. Cela exige que soit accordée aux travailleurs une rémunération qui leur permette, avec un niveau de vie vraiment humain, de faire face avec dignité à leurs responsabilités familiales. Cela demande en outre que, pour déterminer les rétributions, on considère leur apport effectif à la production, les situations économiques des entreprises, les exigences du bien commun de la nation. On prendra en spéciale considération les répercussions sur l'emploi global du travail dans l'ensemble du pays, et aussi les exigences du bien commun universel, intéressant les communautés internationales, diverses en nature et en étendue. […]


Laborem Exercens

C'est par le travail que l'homme doit se procurer le pain quotidien 1 et contribuer au progrès continuel des sciences et de la technique, et surtout à l'élévation constante, culturelle et morale, de la société dans laquelle il vit en communauté avec ses frères. […]

5.
… l'homme domine bien plus la terre lorsqu'il commence à la cultiver, puis lorsqu'il transforme ses produits pour les adapter à ses besoins. L'agriculture constitue ainsi un secteur primaire de l'activité économique; elle est, grâce au travail de l'homme, un facteur indispensable de la production. L'industrie à son tour consistera toujours à combiner les richesses de la terre _ ressources brutes de la nature, produite de l'agriculture, ressources minières ou chimiques _ et le travail de l'homme, son travail physique comme son travail intellectuel. […]
6.
…le fondement permettant de déterminer la valeur du travail humain n'est pas avant tout le genre de travail que l'on accomplit mais le fait que celui qui l'exécute est une personne. […]
Cela ne veut pas dire que le travail humain ne puisse et ne doive en aucune façon être valorisé et qualifié d'un point de vue objectif. Cela veut dire seulement que le premier fondement de la valeur du travail est l'homme lui-même, son sujet. Ici vient tout de suite une conclusion très importante de nature éthique: bien qu'il soit vrai que l'homme est destiné et est appelé au travail, le travail est avant tout «pour l'homme» et non l'homme «pour le travail». […]
…le but du travail, de tout travail exécuté par l'homme _ fût-ce le plus humble service, le travail le plus monotone selon l'échelle commune d'évaluation, voire le plus marginalisant _ reste toujours l'homme lui-même. […]
7.
le danger de traiter le travail comme une «marchandise sui generis», ou comme une «force» anonyme nécessaire à la production (on parle même de «force-travail»), existe toujours, lorsque la manière d'aborder les problèmes économiques est caractérisée par les principes de l'«économisme» matérialiste. […]
9.
…Le travail est un bien de l'homme _ il est un bien de son humanité _ car, par le travail, non seulement l'homme transforme la nature en l'adaptant à ses propres besoins, mais encore il se réalise lui-même comme homme et même, en un certain sens, «il devient plus homme». […]
10.
Le travail est le fondement sur lequel s'édifie la vie familiale, qui est un droit naturel et une vocation pour l'homme. […]
12.
…on doit avant tout rappeler un principe toujours enseigné par l'Eglise. C'est le principe de la priorité du «travail» par rapport au «capital». Ce principe concerne directement le processus même de la production dont le travail est toujours une cause efficiente première, tandis que le «capital», comme ensemble des moyens de production, demeure seulement un instrument ou la cause instrumentale. Ce principe est une vérité évidente qui ressort de toute l'expérience historique de l'homme. […]
13.
…Le système de travail qui peut être juste, c'est-à-dire conforme à l'essence même du problème ou, encore, intrinsèquement vrai et en même temps moralement légitime, est celui qui, en ses fondements, dépasse l'antinomie entre travail et capital, en cherchant à se structurer selon le principe énoncé plus haut de la priorité substantielle et effective du travail, de l'aspect subjectif du travail humain et de sa participation efficiente à tout le processus de production, et cela quelle que soit la nature des prestations fournies par le travailleur.
L'antinomie entre travail et capital ne trouve sa source ni dans la structure du processus de production ni dans celle du processus économique en général. Ce processus révèle en effet une compénétration réciproque entre le travail et ce que nous sommes habitués à nommer le capital; il montre leur lien indissoluble. […]
La rupture de cette vision cohérente, dans laquelle est strictement sauvegardé le principe du primat de la personne sur les choses, s'est réalisée dans la pensée humaine, parfois après une longue période de préparation dans la vie pratique. Elle s'est opérée de telle sorte que le travail a été séparé du capital et opposé à lui, de même que le capital a été opposé au travail, presque comme s'il s'agissait de deux forces anonymes, de deux facteurs de production envisagés tous les deux dans une même perspective «économiste». Dans cette façon de poser le problème, il y avait l'erreur fondamentale que l'on peut appeler l'erreur de l'«économisme» et qui consiste à considérer le travail humain exclusivement sous le rapport de sa finalité économique. On peut et on doit appeler cette erreur fondamentale de la pensée l'erreur du matérialisme en ce sens que l'«économisme» comporte, directement ou indirectement, la conviction du primat et de la supériorité de ce qui est matériel, tandis qu'il place, directement ou indirectement, ce qui est spirituel et personnel (l'agir de l'homme, les valeurs morales et similaires) dans une position subordonnée à la réalité matérielle. […]
14.
Ce principe, rappelé alors par l'Eglise et qu'elle enseigne toujours, diverge radicalement d'avec le programme du collectivisme, proclamé par le marxisme et réalisé dans divers pays du monde au cours des décennies qui ont suivi l'encyclique de Léon XIII. Il diffère encore du programme du capitalisme, pratiqué par le libéralisme et les systèmes politiques qui se réclament de lui. […]
Dans le présent document, dont le thème principal est le travail humain, il convient de confirmer tout l'effort par lequel l'enseignement de l'Eglise sur la propriété a cherché et cherche toujours à assurer le primat du travail et, par là, la subjectivité de l'homme dans la vie sociale et, spécialement, dans la structure dynamique de tout le processus économique. De ce point de vue, demeure inacceptable la position du capitalisme «rigide», qui défend le droit exclusif de la propriété privée des moyens de production, comme un «dogme» intangible de la vie économique. […]
15.
… l'homme qui travaille désire non seulement recevoir la rémunération qui lui est due pour son travail, mais aussi qu'on prenne en considération, dans le processus même de production, la possibilité pour lui d'avoir conscience que, même s'il travaille dans une propriété collective, il travaille en même temps «à son compte». Cette conscience se trouve étouffée en lui dans un système de centralisation bureaucratique excessive où le travailleur se perçoit davantage comme l'engrenage d'un grand mécanisme dirigé d'en haut et _ à plus d'un titre _ comme un simple instrument de production que comme un véritable sujet du travail, doué d'initiative propre. L'enseignement de l'Eglise a toujours exprimé la conviction ferme et profonde que le travail humain ne concerne pas seulement l'économie, mais implique aussi et avant tout des valeurs personnelles. […]
17.
… Par exemple, les pays hautement industrialisés et plus encore les entreprises qui contrôlent sur une grande échelle les moyens de production industrielle (ce qu'on appelle les sociétés multinationales ou transnationales) imposent les prix les plus élevés possible pour leurs produits et cherchent en même temps à fixer les prix les plus bas possible pour les matières premières ou les produits semi-finis. Cela, parmi d'autres causes, a pour résultat de créer une disproportion toujours croissante entre les revenus nationaux des différents pays. La distance entre la plupart des pays riches et les pays les plus pauvres ne diminue pas et ne se nivelle pas mais augmente toujours davantage et, naturellement, au détriment des seconds. Il est évident que cela ne peut pas demeurer sans effet sur la politique locale du travail ni sur la situation du travailleur dans les sociétés économiquement désavantagées. […]
19.
…L'expérience confirme qu'il est nécessaire de s'employer en faveur de la revalorisation sociale des fonctions maternelles, du labeur qui y est lié, et du besoin que les enfants ont de soins, d'amour et d'affection pour être capables de devenir des personnes responsables, moralement et religieusement adultes, psychologiquement équilibrées. Ce sera l'honneur de la société d'assurer à la mère _ sans faire obstacle à sa liberté, sans discrimination psychologique ou pratique, sans qu'elle soit pénalisée par rapport aux autres femmes _ la possibilité d'élever ses enfants et de se consacrer à leur éducation selon les différents besoins de leur âge. Qu'elle soit contrainte à abandonner ces tâches pour prendre un emploi rétribué hors de chez elle n'est pas juste du point de vue du bien de la société et de la famille si cela contredit ou rend difficiles les buts premiers de la mission maternelle 26. […]

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