Tuesday, 9 February 2016

Antony Sutton – Suicide d’État : Aide Militaire à l’Union Soviétique IV

Le Lend Lease ajouta 491 navires à ce total [de la flotte militaire soviétique] : 46 chasseurs de sous-marins de 33 mètres et 59 de 20 mètres, 221 torpilleurs (dont 24 du Royaume-Uni), 77 démineurs, 28 frégates, 52 petits bâtiments de débarquement, 2 grands bâtiments de débarquement du Royaume-Uni, et 6 péniches.  En plus des navires de combat, le Lend Lease a fourni nombre de navires marchands et de moteurs de bateaux.

En termes de tonnage, le Lend Lease a probablement doublé la taille de la marine soviétique. Seul un faible nombre de ces navires ont été rendus, bien que le Lend Lease stipulât qu’ils devaient tous l’être.

Depuis la 2ème GM, l’aide au programme de construction navale soviétique avait pris deux formes : l’exportation d’équipement pour la construction navale et de grues par des pays européens, et dans une moindre mesure des USA, et l’utilisation de plans et designs obtenus des USA et de l’OTAN grâce à l’espionnage. Par exemple, l’équipement sophistiqué de l’U.S.S. Pueblo, transféré à l’URSS par la Corée du Nord, avait quinze ans d’avance sur tout ce que les Soviétiques possédaient à la fin des années 1960. En d’autres termes, la capture du Pueblo fit faire aux Soviétiques un bond des développements techniques de l’après-guerre grâce aux Allemands et au Lend Lease jusqu’à la technologie américaine la plus avancée. p.100

Les USA vendirent de l’équipement pour sous-marins à l’Union Soviétique dans les cinq ou six premières années de la décennie 1930. Une proposition fut reçue par l’Electric Boat Company, Groton, Connecticut, en janvier 1930, pour la construction de sous-marins et d’équipement militaire pour sous-marins avec envoi vers l’URSS. Dans une lettre au Ministre d’État, Electric Boat avança l’argument qu’il n’y avait « pas d’objection » à la construction de sous-marins pour une « puissance étrangère si amicale, » et dit de plus que c’était dans l’intérêt de la Marine étant donné que cela fournissait du travail aux ouvriers des chantiers navals locaux.

L’expansion massive d’après-guerre de la flotte de sous-marins soviétiques a dépendu des conceptions et des ressources et techniques de l’Allemagne et des USA.

Bien que les Allemands aient construit 120 U-boats de type XXI jusqu’au début de 1945, peu d’entre eux ont atteint la mer. Presque tous les sous-marins achevés sont tombés entre les mains des Soviétiques. Ainsi une proportion substantielle, peut-être un quart, de la force sous-marine soviétique a été fabriquée en Allemagne aux standards allemands.

Les premiers sous-marins nucléaires soviétiques sont similaires à  l’U.S.S. Nautilus. Le ‘Y’ (« Yankee ») soviétique est copié du sous-marin à missiles balistiques U.S.S. Polaris, à l’aide de plans obtenus grâce au massif programme d’espionnage soviétique en Grande Bretagne.  p.101-102

Il existe deux faits extraordinaires concernant la gigantesque et stratégique marine marchande soviétique : D’un, plus de deux tiers (68%) du tonnage global a été construit en dehors de l’URSS. Les 32% restants ont été construits dans des chantiers navals soviétiques, dans une large mesure à l’aide d’équipement occidental, en particulier de la Finlande et des alliés de l’OTAN, la Grande Bretagne et l’Allemagne.

Deuxièmement : quatre-cinquièmes (79,3%) des principaux moteurs diesels pour bateaux utilisés pour la propulsion des navires de la marine marchande soviétique furent construits en Occident. En d’autres termes, seul un cinquième des principaux moteurs diesels furent construits en URSS. Mais cette statistique étonnante ne traduit pas la complète réalité de la dépendance soviétique sur la technologie occidentale des moteurs diesels car tous les principaux moteurs fabriqués en URSS sont bâtis à partir de conceptions étrangères.

Origine des moteurs diesels de la marine marchande soviétique

Tonnage du navire                  % des moteurs construits                    % des moteurs construits

/conçus à l’étranger                             en URSS

>15.000                                   100                                                      0

10.000 – 14.999                      87,9                                                     12,1

5.000 – 9.999                          56,9                                                     43,1

[Tous les plus gros navires ont des moteurs étrangers. NdT]

La Tchécoslovaquie n’est pas seulement le quatrième plus gros producteur de moteurs diesels au monde – bien plus important que l’URSS – mais elle exporte également 80% de tous ses moteurs, l’URSS étant de loin le principal acheteur. p.102-103

Tous les gros diesels modernes de plus de 11.000 CV utilisés en Union Soviétique sont construits sur un unique plan étranger – Burmeister & Wain, Copenhague, Danemark. Le Danemark est un allié des USA via l’OTAN. L’exportation de cette technologie danoise aurait pu être stoppée par le Département d’État d’après le Battle Act [de 1951] et l’arrangement du CoCom. Tous les diesels Burmeister & Wain sont conçus sur un ordinateur Univac américain. Les moteurs Burmeister & Wain ont servi à la propulsion des navires soviétiques actifs lors de la crise des missiles de Cuba en 1962 et dans l’approvisionnement du Nord Vietnam de 1966 à ce jour. p.104

Les bâtiments de classe Poltava furent utilisés pour transporter les missiles soviétiques à Cuba en 1962. Les premiers moteurs Poltava furent fabriqués au Danemark en 1959 et les navires entrèrent en service en 1962, quelques mois seulement avant d’être utilisés pour transporter les missiles à Cuba. En d’autres termes, la première utilisation opérationnelle de ces moteurs diesels – approuvés par [le Département d’État] comme étant non stratégiques – fut pour un défi aux USA qui nous amena au bord d’une guerre nucléaire.

En d’autres termes, il n’y aurait pas eu de crise des missiles de Cuba en 1962 si le Département d’État avait suivi les instructions du Congrès et fait le boulot pour lequel il est payé. p.105-106

En d’autres termes, nous avons toujours eu les moyens de stopper la vague soviétique d’agression – si cela avait été notre but. p.109

…37 des 96 bâtiments soviétiques effectuant la route d’approvisionnement de Haiphong possédaient des moteurs occidentaux, fabriqués après 1951 [date du Battle Act imposant des restrictions sur la vitesse et le tonnage des navires fournis à l’URSS], qui auraient pu être interdits par le Département d’État.

Nous pouvons par conséquent en tirer deux conclusions :

  1. L’Union Soviétique n’aurait pas pu approvisionner le Nord Vietnam sans l’assistance des USA et de ses alliés occidentaux. Cette assistance prend la forme de technologie transférée via des accords commerciaux.

  2. Le Département d’État avait les moyens de stopper ce transfert grâce à son droit de veto au CoCom. Il ne l’a pas fait. p.111


« …à la fin de la 2ème GM les Soviétiques n’avaient pas encore produit un seul moteur d’avion ni missile guidé. » Général G. A. Tokaev, Armée Rouge. p.113

Les ingénieurs aéronautiques français et britanniques ont leur propre nom pour le nouvel avion supersonique russe Tu-144. Ils l’appellent le « Konkordskiy. » Un coup d’œil comparatif aux configurations du Concorde anglo-français et du Tu-144 russe suffira – sans même des preuves additionnelles – à expliquer ce surnom. p.113

Entre 1932 et 1940 plus de vingt compagnies américaines fournirent soit des avions, des accessoires, soit de l’assistance technique pour des avions complets ou des usines de fabrication d’avions. p.114

En 1937-1938 la Vultee Aircraft Division de l’Aviation Manufacturing Corporation de Downey, Californie, construisit un avion de chasse pour les Soviétiques à Moscou. p. 116

Concernant les intrants pour l’opération et la construction d’avions militaires, les Soviétiques dépendaient également de de l’aide à la construction et de la technologie américaines. Même après la construction américaine extensive de raffineries au début des années 1930 l’Union Soviétique continua à dépendre de la technologie américaine pour le craquage du pétrole en fractions légères de gazoline. Les livraisons d’équipement du Lend Lease amenèrent la production de gazoline pour l’aviation d’à peine 110.000 tonnes par an en 1940 à 1,67 millions de tonnes en 1944, en dépit du fait que plusieurs unités de cracking du Lend Lease ne purent être livrées avant la fin de la guerre. p.116

La plupart, sinon tous, des accessoires d’avions étaient des copies directes de produits étrangers. p.116

À la demande du Département d’État et des ateliers Buckeye Pattern de Dayton, Ohio, le Ministre de la Guerre accorda « la parution des résultats de tests effectués sur certains tuyaux d’échappement en aluminium à l’Aviation Depot de Wright Field, Dayton, Ohio, au bénéfice du gouvernement de Russie soviétique. » Aucune objection militaire ne fut soulevée quant à la production de moteurs aéronautiques Wright en Russie, et à la requête par Sperry Gyroscope de vendre des instruments de visée pour bombes [bombsights]. p.117

Jenkins, ingénieur en chef de l’United Engineering en Russie déclara à propos de la fonderie [d’aluminium] de Zaporozhe que « l’Aluminum Compagny of America elle-même ne possède pas de machines aussi modernes que celles-là. » Les deux fonderies étaient « entièrement alimentées en énergie et contrôlées par des appareils de General Electric. »

L’installation de Stupino comprenait deux sections : un laminoir à chaud et un laminoir à froid… Tous les équipements de finition furent fournis et mis en opération par United Engineering pour les Soviétiques. Le contrat final valait dans les 3,5 ou 4 millions de $ pour United Engineering. Pour ce montant, les Soviétiques acquirent une usine capable de laminer des feuilles d’aluminium de ~600 m destinées à la fabrication d’avions. United Engineering dit à ce propos : « Rien d’une telle taille n’a jamais été bâti jusqu’à présent. » p.117

Pendant la 2ème GM, les Soviétiques produisirent 115.596 avions à partir de ces matériaux et de ces pièces d’équipement, alors que le Lend Lease ne livra à l’URSS que 14.018 unités supplémentaires. Cependant, les avions produits par l’URSS étaient pour l’essentiel des modèles d’avant-guerre obsolètes, et nombre d’entre eux étaient en bois avec moteur unique dont la qualité même était inférieure. p.118

Henry Wallace, après sa visite de l’importante usine de fabrication d’avions de Komsomolsk, fit le commentaire suivant :

« L’usine d’avions [de Komsomolsk] où les bombardiers Stormovik étaient construits devait tant son existence que sa capacité de production aux USA. Toutes les machines-outils et tout l’aluminium venaient d’Amérique… On dirait l’ancienne usine Boeing de Seattle. » p.118

Les industries d’aviation et spatiale d’après-guerre de l’URSS trouvent leur origine dans les développements allemands dans les domaines des avions et fusées réalisés au cours de la 2ème GM. En 1945 les Allemands avaient encore une industrie de fabrication d’avions et de fusées de taille considérable et relativement épargnée, qui avait été dispersée sous la menace des bombardements alliés vers les régions de l’est de l’Allemagne – la zone plus tard occupée par les Soviétiques – ou transférée aux Soviétiques le 1er juillet 1945. Plus de deux tiers de leur capacité de production tomba, intacte, entre les mains des Soviétiques et furent déplacés en URSS.

Les principales unités de conception de l’industrie aéronautique allemande, incluant la plupart des usines Junkers, Siebel, Heinkel, et Messerschmitt, furent transportées à Podberezhye, à environ 145 km au nord de Moscou… Il y avait onze usines aéronautiques majeures Junkers dans la zone Soviétique [an Allemagne] dont on sait que six ont entièrement été démontées puis remontées en URSS [les ateliers Otto Mader, les usines d’Aschersleben, Bernbourg, Leopoldshall, et Schönebeck]. p.121

Parmi les acquisitions soviétiques en Saxe on trouve les ateliers Siebel de Halle, où l’avion expérimental à moteur-fusée DFS-346 (comparable aux USA avec les Bell X-1 et X-2 et le Douglas X-3) était dans la phase finale d’assemblage. p.122

Les installations aéronautiques enlevées à l’Allemagne comprenaient des équipements uniques. Deux presses Wotan de 15.000 tonnes furent prises et au moins quatre copies furent faites en Union Soviétique, et d’autres unités développées à partir de ces presses. Les usines de fabrication de pièces pour l’aviation incluaient l’ancienne usine Nitsche à Leipzig, utilisée en URSS pour fabriquer des potentiomètres à courbe, et l’usine Karl Zeiss, pour des localisateurs, des pièces de soufflerie, et divers instruments de précision. On estime qu’en 1954 ce segment de l’industrie aéronautique allemand fournissait environ 75% de l’équipement radar et des instruments de précision soviétiques. p.123

La majeure partie des scientifiques et ingénieurs allemands fut déplacée vers la Russie en train dans la nuit du 22 au 23 octobre 1946 dans ce qui a probablement été le plus important mouvement de masse de cerveaux scientifiques de l’histoire du monde civilisé (ou non civilisé). p.124 [92 trains transportèrent 6.000 spécialistes allemands et 20.000 membres de leur famille. p.131]

En 1946 les Soviétiques achetèrent 55 réacteurs Rolls-Royce à compresseur centrifuge – 25 Nenes et 30 Derwents. Ces moteurs Rolls-Royce, les plus sophistiqués au monde à l’époque, étaient bien adaptés aux méthodes soviétiques de production, et initièrent les Soviétiques à l’utilisation de turbo jets centrifuges. Jusqu’en 1947, les moteurs des avions de chasse russes étaient tous des modèles de compresseurs à flux axial tirés d’une conception allemande. Ces turbines Rolls-Royce se trouvèrent être le meilleur équipement possible pour le MiG-15, qui fut conçu par Siegfried Gunther et produit en série sous le nom des ingénieurs soviétiques Mikoyan et Gurevich. p.126

Origine Occidentale des Avions et Moteurs Soviétiques à Usage Militaire p.127

Modèle                        En service                    Moteur            Origine du moteur

Chasseur MiG 9          1946-47                       RD-20             BMW 003

Chasseur MiG 15        1947-1960s                 RD-45             Rolls-Royce Nene

Chasseur MiG 17        1954 à aujourd’hui     VK-2JA          Rolls-Royce Nene

Chasseur MiG 19        1955 à aujourd’hui    VK-5 / M-205 Rolls-Royce Tay & Derwent

Tu-70 (Boeing B-29)  1950                            4 pistons          Wright 18 cylindres

Tu-16   Badger             1954 à aujourd’hui    AM-3M           Junkers-BMW

Tu-104 (version          1957 à aujourd’hui                              Junkers-BMW

de ligne du bombardier Badger)

Tu-20 Bear                  1955 à aujourd’hui      NK-12M         Junkers-BMW

Tu-114 (version           1957 à aujourd’hui      NK-12M         Junkers-BMW

de ligne du bombardier Bear)

…on peut tracer les réacteurs opérationnels des années 1960 aux prototypes Junkers et BMW pris à l’Allemagne à la fin de la 2ème GM ou à ceux vendus par la société Rolls-Royce au titre du « commerce pacifique » en 1946. Ces deux groupes de prototypes furent développés par des ingénieurs allemands déplacés en Russie et victimes de travail forcé, avec de l’équipement et des instruments importés au nom du « commerce pacifique. » p.128

En septembre 1971 le gouvernement britannique expulsa 105 « diplomates » russes d’Angleterre pour espionnage, et en particulier de l’espionnage militaire et industriel. D’après le London Times, cet espionnage comprenait « des informations sur des pièces électroniques, des transformateurs, des semi-conducteurs, des circuits informatiques, et des détails techniques sur les moteurs Concorde et Olympus 593 » (25 septembre 1971). En fin de compte, Doyle, un ex-membre du PC britannique, admit avoir accepté 5.000 [£ ?] des Soviétiques pour des informations sur le Concorde, « y compris des manuels, des dessins, et de petites pièces détachées. » La sécurité était tellement inexistante à l’usine que Doyle et ses amis soviétiques eurent un temps l’idée de faire sortir en cachette un missile de 5 m déguisé en poteau télégraphique. p.128-129

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