Thursday 3 August 2017

Jacob Boehme

Vème TraitéDe la vie Supersensuellequi est un Dialogue d’un Maître avec son Disciple

Le disciple dit au Maître : Comment puis-je parvenir à la vie supersensuelle [au-delà des sens], tellement que je voie Dieu et l’entende parler ?

Le Maître répondit : si tu peux t’élever pour un moment jusque là, où nulle créature habite, tu entendras ce que Dieu parlera.

Le disciple dit : cela est-il loin ou près ?

Le Maître dit : il est en toi, et si tu peux garder le silence [sans pensée compulsive] pour une heure [Osho parle de 48 minutes] dans tout ton vouloir et tes sens, tu entendras des paroles de Dieu inexprimables.

Le disciple : comment pourrois-je entendre, si mon vouloir et mes sens sont en silence ?

Le Maître : Lorsque les sens et le vouloir de l’ispaïté [~l’égo] seront en silence, l’ouïr, le voir et le parler éternel sera manifeste en toi : Dieu lui-même entendra et verra par toi ; ton propre ouïr, ton propre vouloir et ton propre voir t’est un obstacle, que tu ne peux ni voir ni entendre Dieu.

Le disciple : par quel moyen puis-je voir et entendre Dieu, puisqu’il est au-dessus de la nature et de la créature ?

Le Maître : lorsque tu te tiens en silence, tu es alors cela même, que Dieu étoit avant la nature et la créature, d’où il a formé ta nature et ta créature : alors tu vois et tu entends avec ce  avec quoi il voyoit et entendoit en toi, avant que ton propre vouloir, voir et entendre eût commencé.

Le disciple : qu’est-ce qui me retient, que je ne puisse parvenir à cet état ?

Le Maître : ton propre vouloir, ton propre voir et entendre, et que tu résistes à ce d’où tu as tiré ton origine : par ton propre vouloir tu te déromps du vouloir de Dieu, et par ton propre voir tu n’envisages que ton vouloir ; ton vouloir [égo] bouche ton ouïr par ta sensualité [perception par les sens] des choses terrestres et naturelles, il t’introduit dans un fond et t’ombrage avec ce que tu veux, tellement que tu ne saurois t’élever aux choses surnaturelles et supersensuelles.

Le disciple : puisque je suis dans la nature, comment puis-je parvenir par la nature dans le fond supersensuel, sans la destruction de la nature ?

Le Maître : trois choses sont nécessaires pour cela. La première, que tu adonnes ta volonté à Dieu, et que tu t’abîmes dans sa miséricorde. La deuxième, que tu haïsses ta propre volonté, et que tu ne fasses point ce à quoi elle te pousse. La troisième, que tu te soumettes à la croix, afin que tu puisses soutenir les tentations de la nature et de la créature : si tu fais cela, Dieu parlera au-dedans de toi, et il introduira ta volonté expropriée en soi, dans le fond surnaturel ; alors tu entendras ce que Dieu parle en toi.

Le disciple : si je faisois cela, il faudroit que je quitasse le monde et ma propre vie.

Le Maître : si tu abandonnes le monde, tu entres en ce dont le monde a été formé : et si tu perds ta vie, et que tu défailles dans ton propre pouvoir, alors tu demeures en ce qui t’oblige à l’abandonner, savoir en Dieu, d’oû ces choses sont devenues corporelles.
Le disciple : ô mon cher Maître, enseigne-moi, je te prie, comment je puis parvenir le plus promptement à cet état, que tout me soit égal.

Le Maître : volontiers, souviens-toi de ces paroles de notre Seigneur Jésus Christ : si vous n’êtes changés et ne devenez comme des petits enfants, vous ne pouvez voir le royaume de Dieu. Math 18:3. Si donc tu souhaites que tout te soit égal, il faut que tu renonces à tout, et que tes désirs te détournent de toutes choses, et que tu ne les appètes point, tellement que tu ne souhaites posséder aucune chose en propre…
Le disciple : que deviendroit donc le corps, puisqu’il faut qu’il vive dans la créature ?

Le Maître : le corps seroit mis dans l’imitation de Jésus Christ, qui a dit : mon règne n’est point de ce monde. Il commenceroit à mourir intérieurement et extérieurement ; au dehors à la vanité et aux œuvres mondaines, il deviendroit l’ennemi de toute lasciveté ; au-dedans à toutes les mauvaises convoitises et inclinations : il recevroit un sens nouveau, et une volonté toute nouvelle, qui seroient continuellement tournés à Dieu.

Le disciple : mais le monde viendroit à cause de cela à le haïr et mépriser, parce qu’il faudroit qu’il lui contredit, qu’il menât  une autre vie et une autre conduite que lui.

Le Maître : c’est ce dont il ne se souciera aucunement, comme si on ne lui faisoit aucune peine ; au contraire, il se réjouïra d’être rendu digne de devenir conforme à l’image de notre Seigneur Jésus Christ, il portera très volontiers cette crois après lui, afin qu’il lui influe son amour très suave.
Le disciple : mais il est bien difficile d’être méprisé de tout le monde.

Le Maître : ce qui te paroit maintenant difficile, tu l’aimeras dans la suite le plus.
Le disciple : mon maître, je ne puis plus supporter ce qui me retient dans l’égarement, comment pourrais-je prendre le chemin le plus court pour le trouver ?

Le Maître : marche là où le chemin est le plus rude, embrasse ce que le monde rejette, ne fais point ce qu’il fait : marche en toutes choses d’une manière opposée au monde ; c’est le chemin le plus court pour parvenir à l’amour de Dieu.

Le disciple : si je viens à prendre une conduite opposée en toutes choses au monde, je serai réduit dans la dernière nécessité et inquiétude, et avec cela je serois réputé pour fou.

Le Maître : je ne dis pas que tu dois faire du mal à personne, mais comme le monde n’aime que la tromperie et la vanité, et marche dans une voie fausse ; si tu veux prendre le contrepied en toutes choses, tu n’as qu’à marcher dans le droit chemin, car la droite voie est opposée à toutes les siennes.
Quant à ce que tu dis, que tu n’aurois que du tourment, cela n’arrive qu’à l’égard de la chair, et cela te donne une continuelle occasion à la repentance ; et l’amour aime le plus d’être dans cette angoisse avec son souffler de feu.
Tu dis encore qu’on te tiendra pour un fou, cela est aussi vrai, car la voie qui nous amène à l’amour de Dieu est une folie devant le monde, mais à l’égard des enfants de Dieu, c’est une sagesse…

Le disciple demanda encore au Maître : où s’en va l’âme, lorsque le corps meurt, soit qu’elle soit bienheureuse ou damnée ?

Le Maître : elle n’a pas besoin d’être transportée, mais c’est seulement cette vie extérieur mortelle avec le corps qui se sépare seulement de l’âme : elle a déjà auparavant le ciel et l’enfer en soi, comme il est écrit : le règne de Dieu ne viendra point avec apparence ; on ne dira point aussi : voici il est ici, car le règne de Dieu est au-dedans de vous ; elle demeure dans ce qui sera manifeste en elle, ou dans le ciel ou dans l’enfer.

Le disciple : n’est-elle donc pas transportée dans le ciel ou dans l’enfer, de la même manière qu’on entre dans une maison, ou comme on passe par quelque trou dans un autre monde ?

Le Maître : nullement, il ne se passe aucun tel transportement : car le ciel et l’enfer sont présents partout ; ce n’est qu’une introversion de la volonté, ou dans l’amour de Dieu ou dans la colère ; et cela arrive dans les jours de notre vie, ce qui fait dire à Saint Paul : notre conversation est dans les cieux. Christ dit aussi : mes brebis entendent ma voix, et je les connois, et elles me suivent, et je leur donne la vie éternelle, nul aussi ne les ravira de ma main. Jean, 10:27,28.

Le disciple : comment se fait cette entrée de la volonté dans le ciel ou dans l’enfer ?

Le Maître : lorsque la volonté s’abandonne tout au fond à Dieu, alors elle sort d’elle-même hors de tout principe et de tout lieu, où Dieu seul se manifeste, où il opère, et où sa volonté se fait, et ainsi elle devient à soi-même un néant selon sa propre volonté : alors Dieu veut et opère en elle, et il habite dans sa volonté expropriée, et c’est par là que l’âme est sanctifiée, qu’elle entre dans le repos divin.
Lors donc que le corps romp, l’âme se trouve toute pénétrée de l’amour divin, et transparente de la lumière divine, comme le fer est rougi dans le feu et y perd sa noirceur. C’est là la main de Christ, où l’amour de Dieu habite entièrement en toutes les parties de l’âme, et c’est en elle une lumière éclatante et une nouvelle vie : c’est ainsi qu’elle est dans le ciel et qu’elle est un temple du Saint Esprit, et elle-même est le ciel de Dieu, dans lequel il habite.
Mais une âme impie ne veut point entrer durant cette vie dans l’expropriation divine de sa volonté [abandon de l’égo], mais elle persévère dans ses propres convoitises et désirs, dans la vanité et dans la fausseté, dans la volonté du diable : elle n’amasse en soi que la malice et les mensonges, l’orgueil, l’avarice, l’envie et la colère, et elle s’y jette par sa volonté. Cette vanité devient aussi manifeste et opérante en elle et pénètre l’âme entièrement, comme le feu pénètre le fer. Une telle âme ne peut parvenir au repos divin car la colère de Dieu est manifeste en elle ; et lorsqu’elle se sépare du corps, alors le remords et le désespoir éternel commencent, car elle sent qu’elle est devenue une pure abomination, pleine d’angoisse, et elle a honte de s’approcher de Dieu avec sa fausse volonté, et certes elle ne le peut pas car elle est captive dans la fureur et qu’elle n’est qu’une pure fureur, et elle y est enfermée par les mauvais désirs qu’elle a excités en soi. Et puisque la lumière divine ne luit point en elle, et que son amour ne l’attouche point, elle n’est que ténèbres épaisses, et un tourment de feu bien pénible et angoisseux, elle porte l’enfer en soi, et ne sauroit voir la lumière divine. Ainsi elle demeure en elle-même dans l’enfer, sans avoir besoin d’y entrer : car partout où elle est, elle est dans l’enfer ; et quand elle pourroit s’éloigner de son lieu de plusieurs mille lieues, elle se trouveroit néanmoins toujours dans ce tourment et dans ces ténèbres.
Le disciple : puisque le ciel et l’enfer sont aux prises au de dans de nous durant cette vie et que Dieu est si près de nous, quelle est l’habitation des anges et des diables durant tout ce temps ?

Le Maître : là où tu n’habites point avec ton ipsaïté et ta propre volonté [sans l’égo], c’est là où habitent les anges avec toi et partout ; et là où tu habites avec ton ipsaïté et ta propre volonté [avec l’égo], c’est là où habitent les diables avec toi et partout.

Le disciple : je ne comprends pas cela.

Le Maître : là où la volonté de Dieu se déploie en quelque chose, Dieu y est manifeste, et les anges habitent aussi dans cette manifestation ; et lorsque Dieu ne veut pas dans une chose avec la volonté de cette chose, Dieu n’y est point manifeste, mais il habite seulement en soi-même, sans aucune coopération de cette chose ; là il n’y a qu’une propre volonté hors de la volonté de Dieu, et c’est là où habite le diable et tout ce qui est hors de Dieu.

Le Chemin Pour Aller à Christ

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