Wednesday, 24 May 2017

Succincte histoire du capitalisme 1/2

Civiliser les tribus européennes

Après que l’Académie d’Athènes eut échoué à amener la tradition du Logos [le Verbe] dans le futur, et après que le Platonisme eut dégénéré en un autre mot pour ‘magie’, l’Eglise devint le nouveau véhicule du Logos. Quand Saint Jean écrivit son Evangile en grec, il amena une fusion des pensées grecque et hébraïque si puissante qu’il finit par engendrer la ‘centrale électrique technologique’ connue sous le nom d’Europe, qui au final a conquis le monde entier. Quand Saint Jean écrivit qu’au commencement était le Logos, et que le Logos était Dieu, il créa un véhicule philosophique capable d’unifier le monde en fournissant une base métaphysique pour toutes les aventures humaines.

Après la chute de l’empire romain, les moines bénédictins introduisirent cette tradition métaphysique au sein des tribus germaniques qui vivaient au nord du Danube et à l’est du Rhin – les deux frontières de l’empire – et lancèrent un processus d’éducation qui durera un millénaire. Treize siècles avant que Karl Marx n’écrive son Manifeste du PC, Saint Bénédicte inaugura une nouvelle ère de l’histoire mondiale en choisissant « Ora et Labora » – Prière et Travail – comme devise des moines bénédictins. Ils amenèrent une nouvelle dignité à ce qui avait été jusque-là l’activité d’esclaves. Les moines enseignèrent aux barbares comment travailler et bâtir une société ordonnée leur permettant d’atteindre le bien à travers la collaboration de la grâce de Dieu, « ora », et l’effort humain, « labora ». Cette compréhension du Logos était si puissante qu’au cours de presque deux millénaires elle a transformé un peuple dont la principale occupation était de chasser des sangliers à travers les forêts allemandes en une force de travail capable de fabriquer des BMW et des Mercedes. Grâce aux efforts des moines bénédictins, l’Allemagne est désormais la force de travail la plus sophistiquée et productive du monde.

Selon l’Histoire à a sauce Whig [selon laquelle l’Histoire serait une progression inévitable vers une plus grande liberté dans la tradition des Lumières, culminant dans les formes modernes de démocratie libérale et de monarchie constitutionnelle.], cette période incroyablement productive est devenue célèbre sous l’appellation « d’Âges Sombres ». L’empire romain si glorifié par les historiens Whig était basé sur l’esclavage et l’usure. Sous le tutelage des moines bénédictins, l’esclavage a peu à peu disparu et les latifundia des oligarques romains furent remplacées par une classe de travailleurs possédant la terre qu’ils labouraient et n’étaient serfs qu’en nom au moment de la fin du Moyen Âge.
La classe croissante des oligarques européens idolâtrait l’empire romain parce que ses membres voulaient eux aussi s’enrichir grâce à l’esclavage et à l’usure. « Rome, » rappelait Saint Augustin dans sa Cité de Dieu, « est devenu un empire quand sa morale a décliné. » Les machinations sans garde-fous des oligarques assurèrent le fait que Rome s’exténua, brisée par les luttes intestines et entourée d’ennemis. Cela est le canevas classique de la montée et de la chute inévitable de tous les empires. C’était également un fait inopportun pour les historiens Whig [protestants] tels qu’Edward Gibbon [Histoire du Déclin et de la Chute de l’Empire Romain] qui voulait que l’Angleterre imite Rome. Ils firent d’une pierre deux coups en suggérant que le Christianisme avait d’une certaine manière défait Rome, précipitant l’hégémonie millénaire de l’Eglise durant la période appelée Âges Sombres.

L’aube d’une ère nouvelle

L’ère moderne a commencé en Europe avec le pillage connu sous le nom de Réforme. Après que l’Eglise eut passé mille ans à accumuler du capital sous la forme de monastères qui pouvaient être utilisés pour le bien public, la noblesse décida de voler ce que l’Eglise avait gagné, de le privatiser, puis de l’utiliser pour s’enrichir et mettre en esclavage le reste du peuple. Le système que cette noblesse créa pour rendre cela possible est devenu le capitalisme. Le capitalisme est la combination de l’usure soutenue par l’état et de l’appropriation systématique de tout surplus. Quand le capitalisme, armé de la technologie rendue possible par une compréhension supérieure du Logos, projeta le système initié par le pillage des biens de l’Eglise pour inclure le monde entier, y compris l’Inde, il devint connu sous le nom de colonialisme. Cette ère prit fin quand l’Inde acquit son indépendance en 1947 et qu’une vague de décolonisation suivit en Afrique et autres pays du ‘tiers monde’. Le principal problème auquel ses anciennes colonies doivent faire face est la colonisation intellectuelle qui demeure. Lord Curzon [vice-roi des Indes 1899-1905] est peut-être parti mais les universités [indiennes] sont toujours sous le joug de ses substituts intellectuels, des gens comme Adam Smith et David Riccardo, ainsi que des gens qui se sont rebellés contre eux – tel que Karl Marx – et d’autres révolutionnaires dont Michel Foucault. […]

Prenons Thomas Hobbes. Après que le pillage de la Réforme eut mis à bas tout ce qu’il restait de légitimité que le gouvernement avait en Angleterre, Elizabeth se vit obligée de créer un état policier afin de maintenir l’ordre. Le mécontentement vis-à-vis de cet état policier culmina avec la Guerre Civile Anglaise et la théocratie puritaine. Thomas Hobbes fut nommé philosophe en chef du pays à la suite de la publication de Leviathan en 1651 dans lequel il popularisa l’idée que la vie était cruelle, brutale, et courte. Hobbes justifiait ainsi le nouveau régime en faisant appel au contrat social. Les Anglais devaient désormais accepter le nouvel état policier capitaliste parce que sa seule alternative, l’anarchie, était pire. Hobbes fournit également une justification de « l’Histoire selon les Whig » qui n’était qu’une campagne de propagande confectionnée pour servir de justification intellectuelle à la prise de pouvoir des Protestants en Angleterre et l’élimination de l’Eglise, seul véhicule de la tradition métaphysique à l’époque. L’Histoire selon les Whig servit de justification au vol des biens de l’Eglise et à l’imposition de l’ordre capitaliste mis en place par la Glorieuse Révolution de 1688. Ce n’était pas une révolution de la base. C’était un pillage par le haut, mené par les oligarques corrompus et croûlant de dettes de l’époque.

Pendant neuf siècles l’Angelterre avait eu une société, une économie, où la richesse de la nation était largement distribuée. Ce qui suivit fut connu sous le nom de Réforme, après quoi les masses furent jetées des terres et devinrent des mendiants et des criminels, poussant au vote des ‘lois sur les pauvres’. La Glorieuse Révolution ne fut rien d’autre qu’une ratification de ce vol. William Cobbett expliqua la situation plus clairement que la ribambelle d’historiens Whig qui s’opposa à lui quand il décrivit la Réforme comme l’agressions de l’Eglise comme une excuse pour un vol :

« La religion fut toujours un prétexte conscient, mais d’une manière ou d’une autre, le pillage, le vol, a toujours été la finalité. Le peuple, un temps si uni et joyeux, se divisa en d’innonbrables sectes, personne ne sachant plus quoi croire, personne ne sachant ce qu’il était légal de dire ou pas. Quand l’Eglise Catholique fut pillée l’Angleterre devint une tanière de voleurs. Et des voleurs de la pire espèce. »

La première vague d’exploitation fut suivie par une seconde : l’usure. « Ainsi naquirent les prêts, fonds, banques, banquiers, billets, dette publique. Des choses dont l’Angleterre n’avait jamais entendu parler ni même rêvé…Prêter de l’argent contre intérêt est toujours contraire aux principes de l’Eglise Catholique. Une telle chose n’avait jamais existé avant ce qu’on appelle impudemment la Réforme. »


Avec le temps les pilleurs perdirent le fruit de leur vol au profit des usuriers, et l’usure devint une pratique admise. Mais l’état policier de Hobbes se débattait avec des problèmes plus profonds que le simple maintien du contrôle. Après avoir violemment renversé les autels sur lesquels les gens avaient prié pendant neuf siècles, comment un nouvel ordre pouvait-il espérer atteindre une quelconque légitimité ? Les familles aristocratiques tremblaient encore face à la magnitude de ce qu’elles avaient fait.

E. Michael Jones

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