Civiliser les tribus européennes
Après que l’Académie
d’Athènes eut échoué à amener la tradition du Logos [le Verbe] dans le futur, et
après que le Platonisme eut dégénéré en un autre mot pour ‘magie’, l’Eglise
devint le nouveau véhicule du Logos. Quand Saint Jean écrivit son Evangile en
grec, il amena une fusion des pensées grecque et hébraïque si puissante qu’il
finit par engendrer la ‘centrale électrique technologique’ connue sous le nom
d’Europe, qui au final a conquis le monde entier. Quand Saint Jean écrivit
qu’au commencement était le Logos, et que le Logos était Dieu, il créa un
véhicule philosophique capable d’unifier le monde en fournissant une base
métaphysique pour toutes les aventures humaines.
Après la chute de
l’empire romain, les moines bénédictins introduisirent cette tradition
métaphysique au sein des tribus germaniques qui vivaient au nord du Danube et à
l’est du Rhin – les deux frontières de l’empire – et lancèrent un processus
d’éducation qui durera un millénaire. Treize siècles avant que Karl Marx
n’écrive son Manifeste du PC, Saint
Bénédicte inaugura une nouvelle ère de l’histoire mondiale en choisissant
« Ora et Labora » – Prière et Travail – comme devise des moines
bénédictins. Ils amenèrent une nouvelle dignité à ce qui avait été jusque-là
l’activité d’esclaves. Les moines enseignèrent aux barbares comment travailler
et bâtir une société ordonnée leur permettant d’atteindre le bien à travers la
collaboration de la grâce de Dieu, « ora », et l’effort humain,
« labora ». Cette compréhension du Logos était si puissante qu’au
cours de presque deux millénaires elle a transformé un peuple dont la
principale occupation était de chasser des sangliers à travers les forêts
allemandes en une force de travail capable de fabriquer des BMW et des Mercedes.
Grâce aux efforts des moines bénédictins, l’Allemagne est désormais la force de
travail la plus sophistiquée et productive du monde.
Selon l’Histoire à a sauce Whig [selon laquelle l’Histoire serait une
progression inévitable vers une plus grande liberté dans la tradition des
Lumières, culminant dans les formes modernes de démocratie libérale et de
monarchie constitutionnelle.], cette période incroyablement productive est
devenue célèbre sous l’appellation « d’Âges Sombres ». L’empire
romain si glorifié par les historiens Whig était basé sur l’esclavage et
l’usure. Sous le tutelage des moines bénédictins, l’esclavage a peu à peu
disparu et les latifundia des oligarques romains furent remplacées par une
classe de travailleurs possédant la terre qu’ils labouraient et n’étaient serfs
qu’en nom au moment de la fin du Moyen Âge.
La classe
croissante des oligarques européens idolâtrait l’empire romain parce que ses
membres voulaient eux aussi s’enrichir grâce à l’esclavage et à l’usure.
« Rome, » rappelait Saint Augustin dans sa Cité de Dieu, « est devenu un empire quand sa morale a
décliné. » Les machinations sans garde-fous des oligarques assurèrent le
fait que Rome s’exténua, brisée par les luttes intestines et entourée
d’ennemis. Cela est le canevas classique de la montée et de la chute
inévitable de tous les empires. C’était également un fait inopportun pour les
historiens Whig [protestants] tels qu’Edward Gibbon [Histoire du Déclin et de la Chute de l’Empire Romain] qui voulait
que l’Angleterre imite Rome. Ils firent d’une pierre deux coups en suggérant
que le Christianisme avait d’une certaine manière défait Rome, précipitant
l’hégémonie millénaire de l’Eglise durant la période appelée Âges Sombres.
L’aube d’une ère nouvelle
L’ère moderne a
commencé en Europe avec le pillage connu sous le nom de Réforme. Après que
l’Eglise eut passé mille ans à accumuler du capital sous la forme de monastères
qui pouvaient être utilisés pour le bien public, la noblesse décida de voler ce
que l’Eglise avait gagné, de le privatiser, puis de l’utiliser pour s’enrichir
et mettre en esclavage le reste du peuple. Le système que cette noblesse créa
pour rendre cela possible est devenu le capitalisme. Le capitalisme est la
combination de l’usure soutenue par l’état et de
l’appropriation systématique de tout surplus. Quand le capitalisme, armé de la
technologie rendue possible par une compréhension supérieure du Logos, projeta le
système initié par le pillage des biens de l’Eglise pour inclure le monde
entier, y compris l’Inde, il devint connu sous le nom de colonialisme. Cette
ère prit fin quand l’Inde acquit son indépendance en 1947 et qu’une vague de
décolonisation suivit en Afrique et autres pays du ‘tiers monde’. Le principal
problème auquel ses anciennes colonies doivent faire face est la colonisation
intellectuelle qui demeure. Lord Curzon [vice-roi des Indes 1899-1905] est peut-être
parti mais les universités [indiennes] sont toujours sous le joug de ses
substituts intellectuels, des gens comme Adam Smith et David Riccardo, ainsi
que des gens qui se sont rebellés contre eux – tel que Karl Marx – et d’autres
révolutionnaires dont Michel Foucault. […]
Prenons Thomas
Hobbes. Après que le pillage de la Réforme eut mis à bas tout ce qu’il restait
de légitimité que le gouvernement avait en Angleterre, Elizabeth se vit obligée
de créer un état policier afin de maintenir l’ordre. Le mécontentement
vis-à-vis de cet état policier culmina avec la Guerre Civile Anglaise et la
théocratie puritaine. Thomas Hobbes fut nommé philosophe en chef du pays à la
suite de la publication de Leviathan
en 1651 dans lequel il popularisa l’idée que la vie était cruelle, brutale, et
courte. Hobbes justifiait ainsi le nouveau régime en faisant appel au contrat
social. Les Anglais devaient désormais accepter le nouvel état policier
capitaliste parce que sa seule alternative, l’anarchie, était pire. Hobbes
fournit également une justification de « l’Histoire selon les Whig »
qui n’était qu’une campagne de propagande confectionnée pour servir de
justification intellectuelle à la prise de pouvoir des Protestants en Angleterre
et l’élimination de l’Eglise, seul véhicule de la tradition métaphysique à
l’époque. L’Histoire selon les Whig servit de justification au vol des biens de l’Eglise
et à l’imposition de l’ordre capitaliste mis en place par la Glorieuse
Révolution de 1688. Ce n’était pas une révolution de la base. C’était un
pillage par le haut, mené par les oligarques corrompus et croûlant de dettes
de l’époque.
Pendant neuf
siècles l’Angelterre avait eu une société, une économie, où la richesse de la
nation était largement distribuée. Ce qui suivit fut connu sous le nom de Réforme,
après quoi les masses furent jetées des terres et devinrent des mendiants et
des criminels, poussant au vote des ‘lois sur les pauvres’. La Glorieuse
Révolution ne fut rien d’autre qu’une ratification de ce vol. William Cobbett
expliqua la situation plus clairement que la ribambelle d’historiens Whig qui
s’opposa à lui quand il décrivit la Réforme comme l’agressions de l’Eglise comme une
excuse pour un vol :
« La
religion fut toujours un prétexte conscient, mais d’une manière ou d’une autre,
le pillage, le vol, a toujours été la finalité. Le peuple, un temps si uni et
joyeux, se divisa en d’innonbrables sectes, personne ne sachant plus quoi
croire, personne ne sachant ce qu’il était légal de dire ou pas. Quand l’Eglise
Catholique fut pillée l’Angleterre devint une tanière de voleurs. Et des
voleurs de la pire espèce. »
La première vague
d’exploitation fut suivie par une seconde : l’usure. « Ainsi
naquirent les prêts, fonds, banques, banquiers, billets, dette publique. Des
choses dont l’Angleterre n’avait jamais entendu parler ni même rêvé…Prêter de
l’argent contre intérêt est toujours contraire aux principes de l’Eglise
Catholique. Une telle chose n’avait jamais existé avant ce qu’on appelle
impudemment la Réforme. »
Avec le temps les
pilleurs perdirent le fruit de leur vol au profit des usuriers, et l’usure
devint une pratique admise. Mais l’état policier de Hobbes se débattait avec
des problèmes plus profonds que le simple maintien du contrôle. Après avoir
violemment renversé les autels sur lesquels les gens avaient prié pendant neuf
siècles, comment un nouvel ordre pouvait-il espérer atteindre une quelconque
légitimité ? Les familles aristocratiques tremblaient encore face à la
magnitude de ce qu’elles avaient fait.
E. Michael Jones
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