Friday 14 July 2017

Les véritables causes de la Grande Dépression II

Benjamin Strong [Président de la Réserve Fédérale de NY]  est au final - à mon avis - celui qui aura joué le + grand rôle  dans la création de la panique de 1929. p.42

1928


Comme on l'a montré avec des exemples mensuels, la majorité des commentaires de la presse sur les
marchés financiers étaient baissiers jusqu'à ce moment [janvier 1928]. Des campagnes publicitaires avaient été lancées dans tous les sens, de 4x3 aux journaux, promouvant les obligations comme un marché "sûr", et les actions comme des instruments "spéculatifs". Mais l'inversion de tendance était là. A partir de 1928, les obligations allaient se casser la gueule et les actions bondir pour atteindre des records, à plus de 3 fois ceux de 1919. p.150


Obligations - avril-juin 1928

Puis, début février, alarmées par la fuite des capitaux à l'étranger et la brusque chute du $, les diverses branches de la Fed commencèrent à relver leurs taux directeurs respectifs. Aucune explication officielle ne fut fournie par la Fed. p.151

La fixation sur le chômage n'était pas finie. En mars on rapporta que le nombre de chômeurs avait atteint 5M. Les différentes villes se mirent à publier leurs chiffres. Baltimore: 42,5%, taux le + élevé
du pays; Cleveland, 33.8%; Detroit, 32.3%; Philadelphie, 30.6%;  Buffalo, 26.7%; Omaha, 26%; New York, 24.2%; Chicago était la meilleure élève avec un taux de 7.8%. Le sujet troublait les esprits.
Pourquoi y avait-il autant de chômeurs? Le Ministre du Travail, James Davis, déclara: "Vous pouvez fabriquer toutes les bottes et chaussures nécessaires en Amérique en environ 6 mois, et vous pouvez souffler toutes les fenêtres et tout le verre nécessaire en 17 jours. Vous pouvez extraire tout le charbon
nécessaire en 6 mois avec les ouvriers disponibles dans ce secteur. Dû à l'augmentation de notre population ces 8-10 dernières années, il faudrait désormais 140 hommes pour fournir les besoins de ce pays là où 100 auraient suffi jusque-là. Au lieu de ça et en dépit de nos 20M d'habitants supplémentaires, on répond aux besoins de notre pays avec 7% de moins de travailleurs qu'il n'en fallait en 1919."
Plusieurs événements étaient à l'origine de ce chômage. En premier lieu,  après les ravages de la 1ère GM, nombre d'individus se mirent en quête d'une nouvelle vie dans les "rues pavées d'or" censées exister aux USA. Ensuite, la population des USA eux-mêmes augmenta fortement. Combiné
aux améliorations dans les lignes de production - comme le fordisme - cela explique une partie de ces chiffres. Mais les USA traînaient en matière de publication de données économiques. Il n'y avait pas
d'agence collectant les chiffres du chômage. Cette soudaine exposition à la réalité de ce dernier surprit les marchés actions en février et continua à causer des incertitudes bien après cela. p.161-162

Taux directeur de la Fed, 1928

Pourquoi la Fed releva-t-elle son taux directeur si vite après l'avoir fait baisser si bas? Elle avait organisé cette baisse pour que l'Europe puisse attirer des capitaux plus facilement, et cela se retourna contre elle. Depuis septembre 1927 l'or s'échappait des réservers US tel de l'eau dans une bouteille percée. Entre septembre et mai, 494M$ en or physique quittèrent les USA pour l'Europe. Cela signifait moins de liquidités pour les prêts, et la Fed, après avoir aidé l'Europe en baissant artificiellement son taux directeur, força une baisse du $ à laquelle elle ne s'attendait pas. Elle dut remonter son taux plus vite qu'elle ne l'avait jamais fait par le passé et plus rapidement qu'elle ne l'avait baissé. p.174

Qu'est-ce qui secoua les marchés aussi drastiquement [en juin]? Pourquoi les actions des banques étaient-elles les premières à chuter? La réponse à ces questions se trouve dans la situation de la dette mondiale. Le marché obligataire qui se cassait la gueule avait jeté un étrange froid sur la bourse. Certains fuyaient les obligations en faveur des actions, et les traders pros vendaient des deux. Les actions bancaires étaient le centre d'attraction parce qu'elles étaient considérées comme les + risquées. p.176

L'article ci-dessus [Time magazine, Juillet 23, 1928] résume l'atmosphère entourant ce notable effondrement des marchés actions de juin 1928. L'amertume face à la baisse artificielle du taux d'intérêt directeur US afin d'aider financièrements une Europe en proie aux difficultés fait penser
aux gars du G5 en 1985. p.178

...jusqu'à la réunion du G4 de Benjamin Strong, gouverneur de la Fed de NY, les taux d'intérêts étaient restés assez stables. La pression pour faire baisser le taux directeur afin de faciliter les flux de capitaux vers l'Europe face à un $ fort a-t-elle été le catalyseur du krach boursier de 1929 et de la Grande Dépression?
A partir de là, les taux d'intérêts se mirent à remonter à un rythme beaucoup plus soutenu que par le passé. Le même effet boule de neige déjà vu sur les marchés actions se produisit sur les taux. La vitesse de la tendance ne put stopper la bulle de 1929 ni la Dépression qui engloutit le monde. p.178;180

Les obligations non seulement baissent en période de taux d'intérêts qui montent, mais leur popularité baisse également. C'est une relation typique. Le marché dans les années 1920 était alimenté par un cercle ininterrompu de flux financiers. Les entreprises, avec les liquidités supplémentaires naissant de leurs bénéfices en augmentation ainsi que de la vente d'actifs financiers [actions/obligations], étaient attirées sur les marchés monétaires à très court terme, de manière similaire à l'attraction des investisseurs individuels sur les marchés monétaires dans les années 1980.
Au lieu de déposer ces liquidités sur des comptes bancaires rémunérant 2%, les sociétés prêtaient leur surplus via des prêts à 1j où elles pouvaient obtenir 5 à 10%. Entre juillet 1927 et 1928, les cabrioles de la Fed ne causèrent pas seulement une fuite des capitaux en faveur de l'Europe, elles causèrent aussi une fuite des capitaux depuis les dépôts classiques vers les marchés monétaires à très court terme. Ceux-ci doublèrent de 906 M$ en juillet 1927 à 1,8 B$ en juillet 1928.
Au final, la Fed et le Congrès blamèrent la montée du taux 1j sur la spéculation débridée. Bien que cela puisse se défendre dans une moindre mesure, c'est principalement les actions de la Fed qui en étaient responsables. En baissant artificiellement son taux directeur afin de faire baisser le $ et d'aider l'Europe, la Fed créa un déséquilibre profond entre les différents dépôts à intérêt. Non seulement le cash coulait à flots vers l'Europe mais ceux qui redoutaient les problèmes de cette dernière trouvèrent refuge dans les marchés actions.
...Les banques s'inquiétaient de perdre leurs dépôts pour l'Europe et domestiquement aux marchés monétaires. Elles avertirent leurs clients qu'elles allaient augmenter leurs commissions. p.184-185

Dans ses efforts pour aider l'Europe, la Fed initia une fuite des capitaux à partir des dépôts US. L'insistence de la Fed sur le contrôle des marchés afin de stopper la montée des actions fit que ses branches augmentèrent leur taux de prêt 1j pour dissuader les emprunts. Mais le déséquilibre sévère entre les taux court terme et long terme devint trop tentant. Plus le taux 1j montait, plus l'argent affluait.
C'est une importante leçon dont nous devrions nous rappeler. A partir de là les marchés actions allaient monter du plus bas de juin à 202 à leur sommet de 386 fin 1929. Ce bond n'a pas été empêché par la Fed en dépit de sa remontée de taux. L'idée selon laquelle les marchés baissent quand les taux montent EST DONC FAUSSE! p.187-188


Il est clair que tant que les dividendes montaient et égalaient voire dépassaient ce que rapportait le taux 1j, les gens avaient intérêt à emprunter. Si les taux court terme dépassent les taux long terme
et que les dividendes ne sont pas gênés, le marché monétaire 1j et les prêts de brokers attireront les investissements, pas l'inverse.
Par conséquent, une hausse du taux directeur seule ne signifie pas qu'un marché haussier est fini. La situation dépend largement des bénéfices et dividendes ainsi que du taux de croissance de la valeur totale des indices boursiers. En plus de cela, les taux des pays étrangers étaient peut-être bien élevés mais la sécurité de leurs emprunts était en doute. Donc les prêts domestique à très court terme étaient + attractifs et au moins sécurisés par les actions [comme colatéral] alors que les emprunts étrangers étaient sujets à des défauts. p.188

En dépit de ces mauvaise nouvelles, le marché partit à la hausse [en octobre]. Une information positive mais qui ajouta au trouble fut l'annonce de la mort du directeur de la Fed de NY, Benjamin Strong. Certains virent la nouvelle comme la fin du gâchis des ressources US en faveur de l'Europe, d'autres la considérèrent comme la fin de l'espoir pour l'Europe. p.193

Par conséquent, d'un point de vue analytique, les taux d'intérêts + élevés ne sont pas forcément dissuasifs pour les actions...Si les rendements sont plus élevés que le coût de l'argent [emprunt 1j], les taux monteront mais n'empêcheront pas le marché de monter également jusqu'à ce que ce déséquilibre prenne fin. 
Les taux sont également affectés par les conditions politiques. Les actions ont monté en dépit de taux d'intérêt + élevés lorsque les conditions politiques à l'étranger ont provoqué une fuite vers les actifs basés sur le $. p.194


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